Départ
Après avoir voyagé plusieurs fois de suite en Amérique centrale ces dernières années, nous visons cette année l’Asie du sud-est, et plus précisément l’Indonésie. En août c’est la saison des vagues et nous rêvons, Benji et moi de retourner sur ces spots paradisiaques aux vagues parfaites. En 2010, nous avions déjà eu la chance de voyager à Bali mais nous n’avions pas pu à l’époque réellement profiter des différents spots, trop difficiles et bondés pour notre niveau.
À vrai dire, notre budget nous invite également cette année à regarder de ce côté du globe où le coût de la vie y est beaucoup moins cher qu’en Amérique centrale.
Enfin, je crois que l’envie de découvrir un nouvel endroit nous excite et nous motive à choisir cette destination qui nous est inconnue : Java.
JAKARTA
Après deux vols « masqués » Qatar Airways, avec un petit stop à l’aéroport « Disney » Doha, nous atterrissons de nuit à Jakarta. Les formalités commencent par un passage par le checkpoint Covid. Il s’agit d’un simple tampon sur le billet d’avion… à ne pas perdre donc…
Le petit déjeuner du lendemain matin est compris dans le prix de la chambre. Mais aucune salle de restauration ou autre pièce dans cet immeuble : c’est un livreur qui nous apporte un panier repas dans un sac plastique blanc. Nous ouvrons son paquet par simple curiosité mais refusons de manger ce qu’il comporte (friture, riz, fruits suspects…), trop contents déjà d’avoir survécu à cette première nuit.
EN ROUTE POUR WEST JAVA
Dès le lendemain matin, notre priorité est de retirer de l’argent car il est difficile de payer par carte bancaire ici. Nous devons également trouver comment rallier le spot de surf que l’on vise à l’ouest de l‘île. Le choix de notre hôtel s’est fait, non pour son standing mais par rapport à sa proximité de la gare ferroviaire et c’est en direction de celle-ci que nous nous dirigeons (sans nos bagages). Nous prenons les renseignements nécessaires auprès d’un agent de la gare et achetons nos tickets + un ticket pour le boardbag au guichet. Notre deuxième mission est d’acheter une carte SIM pour pouvoir se renseigner, réserver et communiquer plus facilement. Finalement nous achetons un petit boitier qui avec une carte SIM locale fait fonction de routeur partout dans le pays. C’est très pratique car il alimente en réseau nos deux téléphones et va nous permettre d’obtenir des « services » de manière plus simple.
Nous revenons à l’hôtel pour récupérer nos bagages et retournons à la gare. Sur le trajet, nous devons traverser plusieurs routes… L’anarchie est totale. La signalisation et les sens de circulation ne sont pas respectés. Sur l’échelle de la survie, le piéton est au sous-sol… Et il nous faut bien 5 bonnes minutes pour nous décider à nous lancer dans la traversée de l’artère principale et rejoindre la gare. On se faufile entre les véhicules et évitons les voitures et motos qui ne s’arrêtent pas au feu rouge. Une fois arrivés dans la gare, nous pensons avoir effectué le plus dur de la journée… C’est sans compter le refus des agents de nous laisser monter dans le train avec notre boardbag… Nous sommes furieux car nous nous étions mis d’accord avec un des employés de la compagnie de train mais qui visiblement n’est pas assez gradé… Aucun moyen de négocier. Nous arrivons seulement à nous faire rembourser une partie des billets et repartons direction la gare routière la plus proche. En GRAB, forcément !
Une fois le bus pour Bogor trouvé, nous nous installons dedans et payons nos billets (certainement le double du prix officiel…). Le bus démarre et sort de la gare routière. Soulagés, on se dit que l’important dans ces changements de plans de dernière minute c’est de rester en mouvement. Seulement là, le bus roule à 10km/h… Un rabatteur est chargé de remplir le bus avant que ce dernier ne prenne l’autoroute pour Bogor… Cette petite « déambulation touristique » dure 1 heure…
Finalement nous arrivons à Bogor juste avant la nuit et parvenons à trouver in extremis un hébergement tout proche de la gare routière pour repartir le lendemain direction notre spot de surf.
Notre dernier trajet en bus depuis Bogor vers West Java est l’un des plus affreux que j’ai pu effectuer. La chaleur ambiante contraste avec le flux d’air froid massif et incontrôlable de la clim qui tombe du plafond directement sur ma gorge. Les sons stridents et aigus des nombreux chanteurs ambulants n’occultent en rien les odeurs nauséabondes des différents paquets montés à bord.
Après 5h de route, nous arrivons enfin à la grande ville industrielle du coin.
Il nous faut trouver un dernier moyen de transport pour arriver à notre hôtel tout proche du spot. Quoi de mieux que le Bémo pour nous y rendre ? C’est donc serrés comme des sardines avec les enfants qui rentrent de l’école que nous entamons notre parcours le long de la route qui longe le littoral.
Le Bémo nous dépose à quelques dizaines de mètres de notre hôtel et c’est avec soulagement que nous admirons le cadre idyllique de notre futur logement.
SURF
Le premier jour de surf, nous prenons notre temps pour nous préparer. Les prévisions indiquent environ 2m de vagues à la série. Ne connaissant pas le spot, nous choisissons de viser la mi-marée afin de s’assurer que l’on ne s’écorche pas d’entrée de jeu sur les cailloux.
Nous allons petit déjeuner dans ce grand hôtel restaurant luxueux tout proche de la plage. Nous choisissons une table haute sur la terrasse d’où l’on peut voir les sets rentrer. La taille est là et l’espace entre les séries est assez long. D’apparence trompeuse si l’on ne voit que ces périodes d’accalmie, le plan d’eau se gonfle à intervalle régulier et tend des murs d’eau qui déroulent en droite, parfaits pour venir scorer l’épaule. Une fois notre petit déjeuner englouti, nous filons chercher le matos pour se mettre à l’eau.
À notre retour sur le spot, les conditions n’ont pas changé. Les vagues sont toujours aussi solides. Avant d’entrer dans l’eau, notre lucidité nous invite à tout miser sur la fraîcheur à défaut d’entraînement et de connaissance du spot. Nous demandons néanmoins aux locaux qui prennent des photos par où rentrer et suivons leurs directives. L’entrée dans l’eau n’est pas difficile mais doit se faire dans le bon timing afin de ne pas se faire recracher par le shore break sur les galets/rochers.
Les vagues se succèdent et la confiance augmente au fur et à mesure que nous comprenons la mécanique du spot. La houle gonfle et se décale sur la droite pour venir frapper le fond rocheux en face du kiosque. Le take off n’est pas périlleux et laisse le temps de s’élancer vers l’épaule. Il est ensuite possible de surfer la face jusqu’au shorebreak où il faut vite sortir pour éviter les rochers du bord. Certaines vagues, plus creuses permettent de venir se loger sous la lèvre pour se retrouver l’espace d’un bref instant à l’ombre… Jouissif ! D’autant que les sourires des quelques locaux rendent l’ambiance à l’eau agréable.
Par la suite, les jours de surf s’enchaînent au même rythme sans réel « day off ». Nul besoin de se lever aux aurores pour éviter la foule car ici, à part les week-ends, il n’y a que peu de monde à l’eau. Australiens, américains et japonais représentent la majorité des nationalités des quelques touristes présents sur la zone. Néanmoins, nous faisons la connaissance de Dominik (allemand), Stéphanie (basque) et Roberto (canarien) avec qui nous avons plaisir à converser et partager quelques unes de nos sessions.
Chaque jour, avant d’arriver sur le parking devant le spot, nous devons passer une barrière de péage de fortune tenue par des vieux locaux complètement allumés. Nous devons payer 5000 roupies (0,30€) pour qu’ils lèvent la barrière et nous laissent passer avec notre scooter. Ce n’est qu’au bout du second jour que nous comprenons que nous pouvons nous acquitter de ce droit de passage une seule fois dans la journée. Le chef de famille de ces « péagistes » autoproclamés possède une moto trafiquée. Tous les soirs, il vient à l’heure du sunset sur le front de mer. Son grand jeu est d’arroser les touristes avec le pénis en bois qu’il a placé sur le guidon de sa moto. Relié à une pompe et un réservoir, il asperge avec son engin les badauds complètement surpris. Édenté qu’il est, il part alors dans des grands éclats de rire plutôt contagieux…
SCOOT UN JOUR, SCOOT TOUJOURS
Le scooter est le moyen de transport le plus pratique sur la zone. Une seule route longe le littoral et seuls quelques Bémos assurent les liaisons entre les villages. Muni d’un rack, il nous permet de transporter nos boards et de vadrouiller lors des journées « off ». Il nous permet également de rallier les restaurants et le spot depuis notre hôtel. Le prix de l’essence est 2,5x moins cher que chez nous.
Durant nos escapades nous faisons plusieurs rencontres avec la faune locale. Des singes, des poules mais surtout d’énormes varans nous coupent la route. Tous ces animaux mettent à l’épreuve les freins de notre fidèle destrier sur des routes et chemins plutôt chaotiques. Nos équipements de sécurité sont assez limités, pour ne pas dire inexistants… et le niveau de conduite des javanais n’est pas pour nous rassurer. Pour autant, c’est avec plaisir que nous l’utilisons tous les jours pour explorer rizières, plages et autres lieux touristiques.
BATU KARAS
Durant notre séjour, nous faisons escale à Batu Karas plus au centre de l’île. Le périple pour y arriver est long mais ce village abrite entre autre un point break droit qui déroule sur 150m. Au regard du profil de la vague plutôt plat c’est une vague parfaite pour longboard et/ou débutant. De nombreux cars de touristes javanais affluent massivement depuis la capitale que ce soit pour des séminaires, escapades ou journée d’intégration. L’endroit est donc bondé à partir de 11h et se vide en fin d’après midi car les bus repartent en début de soirée.
Pour accéder plus facilement à cet endroit nous avons choisi de ne pas prendre le boardbag et de louer sur place. Alors que tout le monde veut nous louer des longboards, nous souhaitons tester les « plus petites planches de l’île » : une 5’2 et une 5’6… Mouais… Pas sûr que ce soit la meilleure idée. Ce spot est très abrité et la houle ne rentre pas suffisamment pour nous offrir les sessions épiques dont nous rêvons. Néanmoins, nous profitons sur quelques créneaux de cet intermède pour glisser tranquillement sur de longues distances.
Nous logeons dans un hôtel face au spot principal. Les chambres sont simples mais spacieuses. Ali le gérant de l’hôtel est cuisinier mais il nous explique qu’avec la crise sanitaire due au COVID son entreprise est au bord de la faillite. Beaucoup de restaurants et hôtels n’ont pas survécu et ont dû fermer faute de touristes. Lui a dû vendre tout son matériel de cuisine et ne se concentre plus que sur la location de ses 4 chambres. Avec de grands éclats de rire, il ne cesse de nous lancer des : « Fuck COVID, Banquerrrroute !!!! » avec un anglais indonésien savoureux.
BACK TO WEST JAVA
Big Waves
De retour dans West Java, le swell est fort et les sessions se font de plus en plus musclées. Un matin, alors que les prévisions annoncent un swell croissant de 2,5m-3m, nous nous mettons à l’eau avec pour seul camarade un vieil australien en SUP. Aucun local n’est à l’eau ce qui n’est pas pour nous rassurer. Le plan de match est le suivant : alors que la houle doit grossir dans la matinée, notre projet est de sortir de l’eau avant de se retrouver coincés à ne plus pouvoir prendre de vague pour rentrer. En effet, nous redoutons le moment où la série va décaler et la taille des sets doubler.
Forcément, ce moment arrive et nous ne sommes pas sortis de l’eau. Cela dit, nous avons la chance d’être tous les deux au line up au moment où la première très grosse vague arrive. Debout sur sa planche, notre vigie australienne nous alerte et nous permet d’éviter un retour assuré à la case départ avec pertes et fracas. Nous avons alors la bonne idée d’assurer 2-3 canards décisifs. Le volume d’eau en déplacement est impressionnant. Après plusieurs hésitations, c’est Benji qui part le premier sur une bombe. Sa vague est énorme et lui permet de regagner le rivage. Lucide, il décide de sortir de l’eau un petit moment pour observer le plan d’eau.
Pour ma part je reste à l’eau avec notre « ami » australien et enchaîne sur 3 vagues des rides jusqu’au bord. Avec sa vision surélevée, l’australien m’aide à anticiper l’arrivée les séries pour que je puisse optimiser mon placement. Finalement, à la fin de ma troisième vague, Benji me rejoint et nous repartons ensemble au line up, conscients de la chance que nous avons de pouvoir surfer seuls dans ces conditions idéales. Avec une petite dizaine de vagues chacun, c’est certainement une des sessions où nous avons surfer nos plus grosses vagues chacun. La session se termine, pour une fois, sans frayeur avec une sortie propre dans les cailloux. Une fois n’est pas coutume…
Tube Lesson
Un matin, alors que nous sommes à l’eau avec Stéphanie et Roberto, un local décide de nous prendre sous son aile pour un guiding improvisé. Alors que la marée descend et commence à creuser les vagues, il décide de nous aider dans notre placement au line-up pour tenter de scorer les tubes plutôt capricieux sur ce spot. À tour de rôle, il s’occupe de nous indiquer « où » et « quand » ramer par rapport aux lignes qui arrivent. Devant son engagement si enthousiaste, nous ne pouvons refuser les vagues sur lesquelles ils nous dit de partir. Ce qui nous amène parfois à nous mettre, dans la joie et la bonne humeur, quelques « wipeouts » prévisibles.
Last session
Jour du départ. Dernière session. Alors que nous n’avons pas eu de casse matérielle depuis notre arrivée sur l’île, j’arrache contre une patate une de mes dérives qui s’enfonce dans la planche… Argfff… Je suis obligé de retourner en vitesse réparer la planche à la chambre d’hôtel. Une fois la planche rebouchée et le set de dérives remplacé, je reprends le scooter pour revenir sur le spot. C’est alors que je tombe en panne d’essence… Argfff… satanée jauge… Je pousse le scooter et le laisse sur le parking d’un supermarché en me disant que je m’en occuperais après la session.
Je continue donc la route à pied (sous un soleil de plomb) jusqu’au spot où je retrouve Benji à l’eau. Alors que j’attends les vagues assis sur ma planche, je sens comme mon leash qui vient me toucher et s’enrouler autour de mon bras gauche. Je trouve cela bizarre car mon leash n’est pas si grand… Je jette un coup d’oeil et m’aperçois que ce n’est pas mon leash, mais un serpent de mer qui s’enroule autour de mon avant bras !!! Je retiens ma respiration et celui-ci passe son chemin comme si de rien était. Cette rencontre fortuite me pétrifie littéralement. J’informe Benji et décide de sortir rapidement de l’eau.
Les signes sont évidents. Il faut désormais penser à rentrer.